Homélie du 22-04-2001 par frère Harada, o.p.

Jean. 20, 19 - 31

Q'est-ce qu'on cherche dans la foi chrétienne ? La paix, qui n'est troublée par personne ? La paix qui cache les misères humaines réelles ? La vie harmonieuse qui sera donnée comme récompense de la vie sérieuse et de la bonne volonté qui ne dérange pas l'ordre donné dans la société ? Dans la lecture de l'évangile d'aujourd'hui, Jésus ressuscité dit à ses disciples, “La paix soit avec vous.” Mais quelle paix donne-t-il à ses disciples ? Quelle paix devons-nous annoncer ? La paix que nous recevons en étant baptisés et en devenant disciples du Christ, est celle du Christ, crucifié dans les misères et les méchancetés humaines, mais qui est ressuscité par le Père qui l'avait envoyé dans l'histoire humaine. La joie de la résurrection ne peut être séparée des misères et méchancetés humaines qui continuent d'exister aujourd'hui.

  Comment les chrétiens peuvent-ils annoncer la paix donnée par le Christ, le pardon des péchés qui est au coeur de son message, et répondre aux questions fondamentales de l'humanité concernant la souffrance et la méchanceté des hommes ? La vie éternelle harmonieuse sera-t-elle donnée comme la récompense de la souffrance qu'on subit sur la terre ? Dans “Les Frères Karamazov” de Dostoïevski, Ivan dit concernant les enfants qui sont devenus victimes de la méchanceté humaine :

Si tous doivent souffrir afin de concourir par leur souffrance à l'harmonie éternelle, quel est le rôle des enfants ? On ne comprend pas pourquoi ils devraient souffrir, au nom de l'harmonie. Pourquoi serviraient-ils de matériaux destinés à la préparer ? Je comprends bien la solidarité du péché et du châtiment, mais elle ne peut s'appliquer aux petits innocents, et si vraiment ils sont solidaires des méfaits de leurs pères, c'est une vérité qui n'est pas de ce monde et que je ne comprends pas. [...] Je prétends qu'elle ne vaut pas une larme d'enfant, une larme de cette petite victime qui se frappait la poitrine et priait le “bon Dieu” [...] ; non, elle ne les vaut pas, car ces larmes n'ont pas été rachetées.

La souffrance des innocents est un des plus grands thèmes de l'Ancien Testament, et la croix du Christ nous oblige à ne pas l'oublier. Si l'Église oublie les misères humaines, elle n'appartient plus au Christ. L'Église, le Corps du Christ, dont nous sommes les membres, doit se situer au cœur de ces misères humaines. Au milieu des misères humaines, nous (comme Corps du Christ) devons annoncer le message de paix et de pardon, que Dieu le Père nous donne par son Fils. La souffrance humaine appelle notre compassion. Dieu le Père rencontre la souffrance humaine et y entre, à travers la souffrance de son Fils sur la croix. À travers la souffrance du Christ, les hommes regardent les misères humaines et prennent leurs responsabilités : ils connaissent alors la compassion de Dieu le Père, qui crée ce monde à partir de rien pour partager son amour.

La joie et la paix de la résurrection du Christ ne sont rien d'autre que la confiance profonde en la bonté et la beauté qui sont données aux hommes avec la création, malgré toutes les méchancetés et les misères des hommes que la croix du Christ nous rappelle. Nous annonçons que la beauté et la bonté humaines ne sont jamais effacées par les misères humaines.

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